Vers un raz-de-marée citoyen - Entretien avec Charlotte Marchandise

Entretien avec Charlotte Marchandise, candidate citoyenne à la présidentielle issue de LaPrimaire.org.

De son propre aveu, elle s'est présentée "parce qu'il n'y avait pas assez de femmes". Sur plus de 800 participants, elle a fini par remporter LaPrimaire.org, processus qui propose une candidature citoyenne à l'élection présidentielle. A deux jours de la date fatidique pour obtenir les 500 parrainages, Charlotte Marchandise entend porter un projet de renouveau bottom up basé sur la co-construction. Un jargon déjà vu ? Pas tout à fait.

Aujourd’hui en politique, tout le monde se positionne « contre ». Vous êtes « pour » quoi, vous, au juste ?

Charlotte Marchandise. Avant tout nous militons pour avoir le choix. Nous voulons choisir nos candidat·e·s, arrêter de voter contre le pire. Nous souhaitons voter « pour » un projet de société, pour quelque chose d’enthousiasmant. Nous sommes pour que les citoyenn·e·s soient capables de reprendre la main, de s’exprimer et de décider de leur présent et de leur avenir, dans démocratie réelle, délibérative, éthique et tournée vers l’avenir.

Nous sommes pour une société juste, équitable et durable. Pour une politique du bien vivre et pour un projet collectif. Pour un projet de société humaniste, qui remette l’humain au cœur des décisions. Pour une transition démocratique, sociale et écologique. Pour un aménagement du territoire équilibré, qui valorise tous les territoires urbains et ruraux. Et évidemment, toutes ces propositions ne viennent pas de moi, ou un petit conseil exécutif, mais bien de la société qui est déjà engagée, qui a fait des diagnostics et construit des solutions. Nous sommes pour la coopération et l’intelligence collective.

Évidemment, toutes ces propositions ne viennent pas de moi, ou un petit conseil exécutif, mais bien de la société qui est déjà engagée

Vous avez un long passé associatif : entrer dans l’arène politique, est-ce le seul moyen de faire bouger les lignes ?

C.M. Faire bouger les lignes, c’est à la fois « faire sa part » de colibri, peser sur les décideurs, désobéir aux lois indignes et se présenter aux élections sont complémentaires. Il ne faut pas opposer les leviers de changement.

Le changement vient à la fois du terrain, de « ceux qui font », du milieu associatif entre autres. Mais il est souvent bloqué par le jeu politique à l’échelle nationale. C’est pourquoi il est nécessaire de refondre le système et ses règles. Dans les institutions actuelles, l’élection présidentielle est de loin la meilleure occasion de déclencher ce changement. Notre projet est d’impliquer tous les citoyens dans la réécriture de la constitution, quel que soit le résultat à l’élection présidentielle.

Dans les institutions actuelles, l’élection présidentielle est de loin la meilleure occasion de déclencher le changement

Un changement de paradigme émerge pour éviter le népotisme, se traduisant notamment par la mise en avant du tirage au sort des candidats. Avec LaPrimaire.org, vous représentez un mouvement citoyen mais jouez encore le jeu de la personnification. Croyez-vous à l’homme ou la femme providentiel(le)?

C.M. Le changement de paradigme émerge dans toute la société et contient lui-même un dépassement du clivage gauche droite. Il est temps d’abandonner le culte de la personnalité omnisciente. Il ne s’agit surtout pas d’ériger qui que ce soit en femme ou en homme providentiel. Les femmes et les hommes politiques doivent apprendre à dire « je ne sais pas tout ». Je regrette que le site de campagne soit www.charlotte-marchandise.fr, mais c’est venu du collectif. Nous n’avions pas encore eu de consensus sur le nom ! Seul on va vite, mais ensemble on va loin. La personnification est aussi un obstacle à l’engagement . Les insultes et les critiques sont loin de se limiter au programme, les réseaux permettent un anonymat dans lequel certains se permettent des insultes ou des remarques inacceptables.

Nous avons toujours porté une candidature collective. C’est aux citoyenn·e·s et non aux clans politiques de co-construire les décisions. Le projet que nous portons, n’est pas une série de mesures mais une méthode. Elle consiste à faire appel aux citoyens mais aussi aux experts de terrain, aux associations et à toutes les parties prenantes dans un domaine donné et à imaginer ensemble des solutions. Le rôle des politiques devrait être, avant tout, celui de facilitateur de démocratie.

Le rôle des politiques devrait être, avant tout, celui de facilitateur de démocratie.

Il est reproché aux personnes au pouvoir de représenter une élite voire une bulle. De votre côté, parvenez-vous à rassembler autour de vous des profils qui ne soit ni surdiplômés ni urbains, ces fameux « monsieur et madame tout-le-monde » ?

C.M. Oui, bien sûr. Notre équipe de campagne est plurielle. Elle vient d’horizons très différents, une bonne partie de l’équipe habite en région. Plusieurs personnes sont en Bretagne et l’une de nos collègues est à Marseille. La plupart de nos bénévoles sont en région. Certains des plus actifs sont dans l’Aude, en Occitanie, dans l’Ardèche, dans la Meuse, en Isère ou encore en Bretagne. Nous avons également des bénévoles dans les DOM-TOM, notamment un comité très actif à la Réunion.

Beaucoup s’engagent en politique pour la toute première fois. Nous comptons des étudiants, des chômeurs, des auto-entrepreneurs, des scientifiques, des artistes... Et elles/ils viennent souvent du milieu associatif.

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Il y a peu de chances que vous soyez élue. Malgré tout, quels sont les principaux enseignements que vous tirez de cette campagne ?

C.M. Cette campagne n’est pas une fin en soi, c’est un début. Nous appelons à un renouveau profond de la démocratie, la présidentielle est une fenêtre pour en parler. Nous allons soutenir un archipel citoyen de candidats aux législatives pour pouvoir renouveler le parlement et ouvrir la voie vers un raz de marée citoyens aux élections municipales de 2020.

Les enjeux que nous avons rencontrés étaient considérables, avec des questions de visibilité médiatique, de complexité administrative, de politique politicienne, de gouvernance et d’outils techniques. Nous souhaitons documenter toute cette campagne pour en faire un commun. Nous avons fait un wiki, nous souhaitons partager pour que les prochain.e.s citoyen.ne.s qui s’engagent puissent partir de notre expérience, de nos réussites comme de nos échecs.

Pour prolonger la discussion, venez retrouver Charlotte Marchandise au OuiShare Fest, du 5 au 7 juillet 2017.

Image à la une : La liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix.