Autopartage, véhicules électriques, voitures sans chauffeur : du 7 au 9 octobre, le festival Autonomy (dont OuiShare est partenaire, attendez-vous à voir arrivez d’autres articles sur le sujet dans les prochaines semaines !) invite citoyens, entrepreneurs et pouvoirs publics à imaginer le futur de la mobilité urbaine. Rencontre avec Ross Douglas, initiateur de ce nouvel évènement.
Que cherchez-vous à accomplir avec Autonomy, le festival des mobilités urbaines que vous lancez le 6 octobre ?
Ross Douglas. Les salons et forums liés à la mobilités sont toujours professionnels et orientés vers le business. Ils cherchent à mettre en avant un type de technologie plutôt qu’un autre et mettent en compétition les solutions pour pouvoir lever plus d’argent. Fabricants de voitures, transports publics, conducteurs : chacun rejette la faute sur l’autre. Nous voulons faire exactement le contraire car la mobilité n’a pas besoin de plus d’experts, mais de plus de collaboration. Autonomy est une organisation totalement indépendante. Les innovateurs ont les idées, les décideurs ont le pouvoir de changer les infrastructures - via les pistes cyclables, limites de vitesses, taxes et politiques publiques. Enfin, les citoyens sont ceux qui adoptent les nouveaux usages en premier. Nous voulons faire dialoguer toutes ces parties prenantes à travers un événement durable, chaque année à Paris.
Concrètement, comment va se dérouler le festival ?
R. D. Après une ouverture privée le 6 octobre, le festival sera ouvert au public pendant trois jours, dans la grande Halle du Parc de la Villette à Paris. Il y aura des conférences avec des intervenants comme Robin Chase, la fondatrice de Zipcar ou Bibop Gresta, d’Hyperloop et beaucoup d’autres pionniers des nouvelles mobilités le vendredi.
Il ne s’agit pas seulement de s’attaquer négativement aux bouchons mais d’inventer de nouvelles façons de vivre la ville
Le samedi, un large espace d’exposition permettra de tester de nouveaux produits et services comme les vélos, les monocycles ou les skateboard électriques. De nombreuses startups qui bousculent la mobilité en connectant l’offre et la demande seront présentes ainsi que des investisseurs américains et européens. Il y a aura aussi un hackathon organisé par Transdev sur les embouteillages. La liste des évènements et stands est longue, mais l’objectif est de rendre la nouvelle mobilité fun et sexy.
En quoi l’échelle de la ville est-elle pertinente pour penser la mobilité de demain ?
R. D. Quel est le plus gros challenge ? Le trafic et la pollution qu’il engendre. Depuis 2014, plus d’un être humain sur deux vit dans les villes. Ca fait presque 4 milliards. Imaginez qu’en 1950 ils n’étaient que 750 millions. Le phénomène de l’urbanisation est massif, mais pour y faire face, on utilise les mêmes outils que dans les années 50. Le tout voiture ne marche plus - ça n’a jamais vraiment marché d’ailleurs. Il ne s’agit pas seulement de s’attaquer négativement aux bouchons mais d’inventer de nouvelles façons de vivre la ville. Il y a là des opportunités économiques incroyables pour les innovateurs, les entrepreneurs.
Et pourquoi la ville de Paris ?
R. D. Nous avons hésité entre l’Amérique, l’Asie, ou l’Europe. Nous avons choisi l’Europe parce que c’est le continent le plus divers en terme de solutions de mobilité : voitures, transports publics, vélos, marche à pied dans les centre villes… Paris a fait la preuve de sa volonté politique. Velib et Autolib sont des solutions extrêmement pertinentes parce qu’elles conduisent à réduire le nombre de propriétaires de véhicules, ce qui est la clé.
L’Europe est le continent le plus divers en terme de solutions de mobilité
90 % du temps, les voitures restent garées : cela prend un espace monstrueux dans les villes ! Espace qui pourrait être utilisé par un café ou une boutique, qui emploierait des gens et créerait de la valeur. Lorsqu’on accroît le taux d’utilisation des véhicules avec des projets comme Autolib, on retire des voitures des rues. Une ville comme Paris peut exporter son exemple dans le monde entier.
Un conflit a récemment opposé la maire de Paris, qui veut piétonniser les berges de Seine, au gouvernement français. Quel regard portez vous sur la polémique ?
R. D. C’est très révélateur de ce qui se passe partout. Concernant la mobilité, Il existe une tension entre l’Etat, qui défend le droit à la voiture, et les grandes villes, qui n’en ont plus tellement besoin mais en récoltent les désagréments, notamment sur le plan de la santé. Pour le coup, je crois que le gouvernement a tort et que les urbains sont en droit de réclamer des villes avec moins de voitures. Personne n’a le droit d’affecter votre santé. En vivant à Paris ou Amsterdam, votre espérance de vie perd 2 ans et demi par rapport à ceux qui vivent en province.
On voit débarquer de plus en plus de vélos, monocycles, skateboard électriques, dans les rues. Pourquoi cette accélération ?
R. D. Ces véhicules existent depuis un moment mais ils sont enfin devenus abordables. Le problème est que la technologie est allé plus vite que la législation. Pour l’instant, on peut seulement les utiliser sur les trottoirs. Or les trottoirs de Paris et des grandes villes sont déjà encombrés par les passants, les terrasses, etc. C’est donc très important qu’on puisse retirer les véhicules des rues et ouvrir des corridors de circulation pour ces nouveaux modes de transport ! Rien qu’à Paris, il y a 150 000 véhicules garés qui mangent de l’espace urbain. Il faut tout repenser et nous ne sommes qu’au début de la révolution de la mobilité, avec l’arrivée, notamment, des voitures autonomes.
Quelles conséquence sur la ville et la société auront ces véhicules autonomes ?
R. D. Les taxis et les camions sans conducteur sont pour bientôt. La conduite automatisée va permettre d’optimiser le trafic automobile, réduire les embouteillages, ainsi que les accidents de la route qui causent 1,2 millions de morts par an. Ce sera fantastique. Mais dans le même temps, des millions de personne vont perdre leur emploi. La profession va devoir évoluer et il faut se demander comment les gagnants peuvent aider les perdants.
La conduite automatisée va permettre d’optimiser le trafic automobile, réduire les embouteillages, ainsi que les accidents de la route qui causent 1,2 millions de morts par an
Si Paris est un jour sillonnée par des voitures sans conducteur et libérée de la pollution, citoyens comme pouvoirs publics vont gagner du temps et de l’argent. Il faudra qu’une partie de cet argent soit utilisé pour offrir une formation à tous les anciens conducteurs. C’est un vrai enjeu car beaucoup d’entre eux n’ont pas forcément fait de longues études. Apple, Google, Uber, devraient s’y pencher au lieu de ne penser qu’à la technologie.
En attendant l’âge d’or que vous annoncez, les nouvelles applications liées à la mobilité et l’économie à la demande jettent surtout de nouveaux conducteurs sur les routes…
R. D. C’est vrai. Comme Uber a réduit le coût du transport personnel, certaines personnes qui utilisaient les transport publics passent maintenant par l’application. Sans parler des plateformes pour se faire livrer un hamburger chaud à domicile comme UberEats ou Deliveroo...
Imaginez qu’on construise une liaison Hyperloop Paris-Barcelone : vous pourriez être sur la plage ce soir pour le coucher du soleil !
À terme, la livraison par drones pourrait permettre de désengorger les rues une fois qu’elle sera encadrée. En Australie, Google teste déjà cette solution en « larguant » des colis depuis les airs sur des plateformes prévues à cet effet.
Récemment un bus chinois qui passe au dessus des voitures a fait le tour du monde avant que les investisseurs ne réalisent que le projet n’était pas sérieux. La mobilité n’est-elle pas aussi le lieu de tous les fantasmes ? Croyez-vous, par exemple, à Hyperloop ?
R. D. Lorsque le projet est trop fantaisiste, les investisseurs s’en détournent - vous en avez là l’illustration. Concernant, Hyperloop, ils sont au rendez-vous parce que cela fait sens. Le trafic d’une grande ville à l’autre pour une courte durée a explosé ces dernières années. À Barcelone par exemple, les visites ont été multipliées par quatre en douze ans. Pour l’instant, ces déplacements se font le plus souvent avec des avions dont l’empreinte écologique est énorme, sans parler des bus et taxis pour se rendre à l’aéroport. Si l’on pouvait relier les cités avec Hyperloop ce serait un progrès énorme. Et puis imaginez qu’on construise une liaison Paris-Barcelone : vous pourriez être sur la plage ce soir pour le coucher du soleil !
Découvrez Autonomy, le festival de la mobilité Urbaine du 7 au 9 octobre, à Paris. Entrée à partir de 8 euros !