Mesdames et Messieurs les député.e.s
Mesurons le moment historique que nous vivons. Le projet de loi numérique “Être, Savoir et Devenir” dont nous allons débattre pendant deux jours propose des mesures qui sont technophiles et en même temps, technocritiques.
On ne peut plus enseigner en 2022 comme on le faisait en 1922. Il faut vivre avec son temps et il nous faut des lois adaptées à l’époque ! L’apprentissage par cœur est bien moins essentiel que par le passé, puisque les connaissances sont à portée de smartphone. Idem pour le travail individuel quand les pratiques collaboratives, collectives, gagnent sans cesse du terrain. Aujourd’hui, les mutations professionnelles sont la norme et « apprendre à apprendre » devient un impératif absolu. Ce qui était bon hier ne le sera pas nécessairement demain et notre responsabilité collective c’est de préparer les générations futures avec des outils adaptés qui diffèrent des nôtres.
La place de l’école doit être repensée de fond en comble. L’école doit être sanctuarisée comme un lieu d’apprentissage des fondamentaux et du long terme. Apprendre à se concentrer, à reprendre la main sur notre capacité d’attention ! La place des enseignants, aussi doit être revue pour qu’ils puissent accompagner mieux les élèves. Dans cette nouvelle donne, la technologie doit servir aux élèves pour mieux se positionner face à un océan d’informations qui peuvent être anxiogènes. Pour réaliser cette grande adaptation face à la modernité, nous vous proposons, mesdames et messieurs de voter les quatre piliers de la loi. Cette loi est une loi de consensus, pour les générations futures. Je ne viens pas vers vous pour m’adresser à un camp, faire des clins d’oeil appuyés à une histoire politique avec ses mots et ses références. Je viens vous proposer le fruit d’un collectif de travail qui a travaillé avec l’intérêt des générations à venir comme seule boussole. Cette grande loi, je l’ai voulu orientée par quatre mesures fortes et symboliques.
1/ Une intelligence artificielle pour prédire la formation et l’emploi
L’abandon des filières en 2018 était une bonne mesure. Avec quatre ans de recul, nous en sommes certains. Il est temps aller plus loin et supprimer l’épreuve du baccalauréat qui est devenue obsolète. Cette épreuve vieille de deux siècles représente une barrière étrange, une frontière qui séparerait les enfants des jeunes adultes. En réalité, pour faire face à l’accélération des changements sociaux et économiques, il faut utiliser l’IA et ses algorithmes prédictifs pour garantir une formation adaptée à chaque jeune, selon ses compétences et les évolutions du marché du travail. Des tests d’aptitudes, renouvelés pendant le parcours scolaire, permettront de personnaliser les programmes et la formation. Ainsi, nul enfant ne sera orienté par de l’arbitraire, du couperet, mais sera accompagné de façon juste, tout au long de sa vie.
2 / Des brouilleurs d’ondes pour canaliser l’attention et l’information
L’attention est un bien rare ! Chacun d’entre nous l’économise du mieux qu’il peut. Nous, générations qui avons appris sans Internet, savons couper quand nous voulons pour nous concentrer plus intensément et plus longuement. Nous nous devons d’offrir la même liberté de choix aux générations futures. Avec des brouilleurs d’ondes, l’interdiction absolue des téléphones portable, on permettra ainsi aux jeunes de développer des facultés de concentration précieuses pour leur futur.
3/ Un "crédit citoyen numérique" pour évaluer les aptitudes sociales
Les inégalités continuent dramatiquement d’augmenter et le big data nous offre une opportunité historique de lutter contre ! Grâce au traitement des données numériques, il est désormais possible d’enrichir les parcours individuels en agrégeant l’ensemble des activités en ligne, constitutives de l’identité numérique. Le « crédit citoyen numérique » donnera à chaque individu une note unique pour accéder au supérieur et trouver sa place dans la société. Ne plus se contenter de notre actualité socialement discriminante, mais bien permettre à chacun de trouver sa voie selon ses moyens. Là encore, cohérence, plus de couperet, mais du choix en continu.
4/ Des robots sociaux pour automatiser l’apprentissage
On en demande beaucoup trop aux professeurs. Les robots sociaux vont leur permettre de mieux faire leur travail, en les délestant de tâches basiques pour leur permettre de faire. Les robots pourront aider pour l’apprentissage des langues. Ils pourront assister les professeurs avec de la prononciation, de la répétition et, à terme, prendre en charge la transmission des savoirs élémentaires et permettre aux professeurs de monter le niveau d’exigence avec des débats, des conversations artistiques, politiques ou historiques…
Mesdames, Messieurs les députés, nous sommes à l’aube de deux jours de débats passionnants. Je vous invite à dépasser vos a priori, vos postures, oubliez vos visions caricaturales sur la technologie et les machines qui nous détruiront… Cette rengaine anti progrès de l’époque, cette célébration du « c’était mieux avant » est qui un peu inepte, un peu navrante. Au XIXème siècle, quand nous avons connu la massification de l’école, les visions du futur étaient toujours utopiques. Aujourd’hui, nous tombons dans le piège du catastrophisme où ne voyons plus le futur et la technologie qu’en monochrome noir… Laissons la peur du noir aux petits enfants, et donnons un monde plein de couleurs aux enfants de demain.