Le troisième OuiShare Fest est sur les rails. Il aura lieu du 20 au 22 mai prochains à Paris, et son leitmotiv sera : Lost in transition ? Francesca et Diana nous expliquent ce qui se cache derrière ce thème et pourquoi nous l’avons choisi. Il y a quelques semaines, lorsque nous nous sommes retrouvés à Paris pour une session de brainstorming sur le thème du OuiShare Fest 2015, nous ne nous pensions pas nous embarquer pour une longue série de discussions animées, de questions et d’éclairages intéressants sur nous-mêmes et sur ce à quoi nous nous identifions les uns et les autres. Cette session de brainstorming n’était pas improvisée : avec les Connectors du monde entier, nous avions déjà noirci des pages entières d’idées dans un document partagé. Malgré leur côté chaotique, ces notes montraient clairement que nous penchions tous dans une même direction: nous étions en quête d'un thème nous permettant d'aborder les défis auxquels nos sociétés sont confrontées au XXIème siècle et d'esquisser des solutions par delà l’économie collaborative. Ce thème devait également parler à un public varié: aux freelancers, aux startups, au gouvernement, aux entreprises, aux ONGs et aux universités. Nous devions trouver la bonne formule, le bon sujet. Nous (ainsi que nos amis de Mutinerie Coworking) avons tout de suite adoré la proposition de thème “Lost in Transition” (Merci Ben !). Mais nous avons rapidement pu constater que ce n’était pas le cas de tout le monde… En effet, après avoir présenté l’idée aux autres Connectors et à nos advisors sur le groupe Facebook, nous avons été assez surpris de l’opposition qu’elle rencontrait.
Bien que je comprenne les inquiétudes quant à la connotation de “lost”, c’est bien ce que nous sommes : LOST” - Simone Cicero*
Ces débats ont été vifs, et surtout, nous ont permis de réaliser à quel point chacun vivait différemment le fait de se sentir perdu. Alors que certains se disaient insatisfaits de la connotation négative de ce mot, d’autres, très nombreux, trouvaient au contraire que l’expression “being lost” dégageait quelque chose de plutôt positif. Pendant deux mois, nous avons discuté avec des dizaines de personnes sans parvenir à nous décider. Nous sentions qu’il y avait toujours cette profonde divergence générationnelle et géographique sur le sens de l’expression “lost in transition”. Confrontés à des modes de pensée différents, nous constations les profondes différences de vue entre Européens et Américains, mais également entre une génération Y qui ne croit plus en un avenir radieux et les générations précédentes qui semblent plus optimistes. Bien que certains s'efforcent de voir les choses sous un angle plus positif, il faut bien l'avouer : nous voulions montrer la réalité sous un jour plus cru. La critique fait partie de notre ADN, nous sommes convaincus que la capacité à mettre les défauts en évidence est une étape dans la recherche de solutions. Et honnêtement : ne sommes-nous tous pas un peu perdus mais trop effrayés pour l’admettre? A ses débuts, l’économie collaborative a suscité bien des espérances et des vocations : dans un monde embourbé dans une crise sans fin, l’émergence de nouveaux modèles et de nouvelles pratiques fondés sur la connexion entre pairs avait des airs de lumière au bout du tunnel. Qu'on parle de partage, de collaboratif, de pair-à-pair ou de contributif, tous ces modèles semblaient poser les premières pierres d'un édifice social plus solide, plus juste et finalement plus humain.
C’est une sorte d’exode, un voyage qu'on fait un peu sans l'avoir voulu, mais pas d’un pays vers un autre comme pour les grandes migrations du passé, mais d’un système vers un autre” Neal Gorenflo*
Alors bien sûr, rien ne se passe jamais vraiment comme prévu. Des débats sans fin ont eu lieu : sur les vertus respectives de tel ou tel projet, de tel ou tel modèle, etc. Justement, existait-il un modèle en particulier que nous devions défendre ? Certains anciens enfants stars de cette économie du "partage” sont devenus des sociétés qui pèsent des milliards de dollars, quand d’autres sont purement et simplement tombés dans l’oubli. En ces temps de crise environnementale, économique et sociétale, les pionniers de l’économie collaborative font face à de nombreux défis, aussi bien en termes de régulation, de financement et d’organisation. Depuis plusieurs mois, le ton des critiques s'est clairement durci, à tel point que plus personne ne semble véritablement convaincu que l’économie collaborative soit capable d'apporter le changement tant attendu. Et même : "réussir" dans l'économie collaborative, qu'est-ce que cela signifie ? Ce sentiment de perplexité, d'incertitude que nous partageons, n'est-ce pas cela, être "perdu" ? En lieu et place de nos certitudes, il y a maintenant un gros point d’interrogation. Où allons-nous? Les modèles collaboratifs sont-ils vraiment la bonne voie ? Si oui, lesquels ? Les principes sur lesquels nous avions à l'origine fondés nos espoirs sont-ils à ce point bancals ? L’économie collaborative risque-t-elle de donner naissance à une société encore plus inégalitaire ? Une chose est certaine : nous sommes au milieu d’une importante transition, et il nous faut absolumeent comprendre ce phénomène si nous voulons reprendre la main et aller vers là où nous le voulons. L’économie collaborative est donc entrée dans une phase "critique". Il est temps de la mettre à l'épreuve. Et c'est une bonne nouvelle : le concept est sorti de la prime enfance. Nous sommes perdus, mais cela ne veut pas dire que nous devons cesser d'espérer en une fin heureuse. Mais cette dernière dépend de chacun d'entre nous.
C'est très bien de raconter de jolies histoires. Mais je pense que le temps de raconter une histoire un petit peu plus "grave” est venn - Juho Makkonen*
Et finalement, nous sommes tombés d'accord : l'ambiguïté du mot “lost” ainsi que la résistance que nous avions rencontrée en faisait le thème parfait. Nous souhaitions susciter un débat, fût-il par moment désagréable pour les uns et les autres. C'est la seule façon de sortir de nos zones de confort respectives, de poser les questions qui fâchent et de construire des solutions en commun. En mai prochain, entrepreneurs et innovateurs sociaux, chefs d’entreprises et acteurs du monde associatif, militants et fonctionnaires, tous se joindront à nous encore une fois à Paris pour le OuiShare Fest. Ensemble, nous nous poserons ces questions et nous en chercherons les réponses. Nous venons pour débattre, co-bâtir et ouvrir la voie vers une société collaborative. Serez-vous des nôtres ?
Nous l’espérons ! Les places sont d'ores et déjà disponibles sur ouisharefest.comCet article a été co-écrit par Diana Filippova (OSFest Program) et Francesca Pick (OSFest Chair).
* Extrait de discussions sur Facebook
Plus d’information sur l’événement
Nos premiers speakers
- Pia Mancini co-fondatrice de Partido de la Red
- Charles Eisenstein, écrivain et prospectiviste
- Juan Urritia, économiste et fondateur de Las Indias
- Lisa Gansky, entrepreneur, investisseur et fondatrice de Meshing it
- Jeremiah Owyang, fondateur deCrowd Companies
- Carlota Perez, professeure à la London School of Economics
- Arun Sundarajan, professeur à NYU
- Neal Gorenflo fondateur de Shareable Magazine
- Aral Balkan pionnier de l'open source user friendly
- Michel Bauwens co-fondateur de la P2P foundation
- Isabella Kaminska, journaliste au Financial Times
- Alexa Clay, auteure de The Misfit Economy
Vous souhaitez en savoir plus sur les précédentes éditions ? Consultez le 2014 event report ou les différentes interviews des intervenants. Vous aimeriez vous impliquer plus activement ? Il y a bien des façons de le faire ! Partagez vos idées de sessions pour le programme dans notre call for proposals (appel à contributions) ou devenez membre de l’équipe du Fest en tant que bénévole ! Les candidatures seront ouvertes à partir du mois de janvier. Les candidatures pour la troisième édition des OuiShare Awards ouvriront également début 2015. Cet article a été traduit en Français par Léna Saffon