« Faire du temps long notre urgence ». C'est le fil rouge que nous avons voulu tirer à l'occasion de ce Ouishare Fest. Pourquoi ? Parce que nous pensons que la réponse aux urgences du présent ne réside pas tant dans un changement de rythme – accélérer toujours plus - mais dans un changement de cap. Lors du Ouishare Fest, nous vous proposons d’appuyer sur pause et de définir comment nous orienter, nous organiser et agir sur le temps long, pour faire advenir un monde plus durable et solidaire.
Comment s'orienter pour le temps long ?
Pour commencer donc, dès le mercredi 23 juin, nous nous poserons la question de l'horizon que nous souhaitons nous donner collectivement et à long terme.
Nous commencerons par interroger le mythe de la croissance et du progrès comme moteurs de l'histoire. Riel Miller, directeur de la Littératie des Futurs à l’Unesco nous aidera à mieux appréhender et déconstruire le futur et la prospective. Ensuite, Lene Rachel Andersen, économiste du Club de Rome, nous invitera à dépasser les notions de « croissance » et de PIB et introduira le concept de « métamodernisme ». Enfin, Kate Raworth, initiatrice du mouvement Doughnut Economics, nous expliquera pourquoi l'économie doit ressembler à un doughnut, c'est-à-dire être circonscrite à l'intérieur comme à l'extérieur, et comment opérer ce changement de paradigme à l'échelle des villes.
En parallèle de ces conférences, des ateliers et discussions nous permettront d'imaginer d'autres horizons communs. Avec le laboratoire d'innovation Matrice, nous décortiquerons ce qui sous-tend l'« innovation » et comment celle-ci s'insère dans une dialectique avec le passé, le présent et le futur. Avec K8, nous explorerons d'autres imaginaires du futur. Enfin, l'ensemble vocal Sequenza 9.3 nous fera découvrir des métissages culturels et musicaux inattendus, qui dessinent un nouvel horizon partagé.
Cette première journée du mercredi 23 juin posera également la question de l'épreuve du temps long. Comment ne pas trahir ses principes et valeurs sur la durée ? Deux tables-rondes aborderont cette question, l'une dans le contexte d'organisations publiques et privées, l'autre dans un domaine tout autre et plus inattendu : celui du tourisme. Est-ce qu'à force de nous déplacer, les touristes que nous sommes ne finissent-ils pas par ne plus voyager ?
Plusieurs ateliers et discussions approfondiront également ces questions en nous permettant de nous reconnecter à soi, aux autres et à la Terre. Parmi eux : l'atelier Travail qui relie, le Warm Data Lab, l'atelier Polyphony of change, l'expérience Eternal forest.
Pour clôturer cette journée, « Plus Belle la Politique » nous réserve une soirée théâtre pour décoloniser nos imaginaires politiques. Plus précisément, nous verrons comment de belles intentions réformatrices peuvent perdurer dans le temps...une fois le pouvoir politique conquis.
Enfin, poser la question du temps long nous amènera à l'interrogation suivante : comment accepter une forme de finitude, et donc, de renoncement ? Nous parlerons de différentes formes de fin : de la fin de certaines entreprises et activités avec Origens Media Lab, à la fin de nos existences lors d'une conférence sur le thème de la mort et du deuil, en passant par la fin de l'hyperconsommation avec une discussion sur notre rapport à la mode organisée par Zero Waste France.
Comment s'organiser pour le temps long ?
Le Jeudi 24 juin, nous nous demanderons comment Etats, entreprises et société civile peuvent collaborer pour faire advenir des systèmes politiques et économiques plus solidaires et durables. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la place et au rôle que les citoyen.nes peuvent prendre dans cette bifurcation collective. Une chose est sûre : pour réhabiliter le temps long, nous devrons être à plusieurs et dépasser nos horizons temporels individuels. Et réciproquement, pour nous organiser collectivement, nous aurons besoin de temps. Seules les décisions unilatérales se prennent rapidement !
En introduction à cette journée, Naresh Giangrande nous livrera son expérience en organisation collective au sein des mouvements Transition Town puis Regenerative Tech. Ensuite, Roman Krznaric, auteur de The Good Ancestor, nous patagera quelques réflexions sur la nécessité de l'empathie pour se mettre à la place des autres et prendre des décisions pour les générations à naître dans un monde saturé d'individualisme.
Nous parlerons ensuite de la place des entreprises dans la société au travers de trois conférences. La première, sur les liens entre entreprises privées et intérêt général. La deuxième, sur la place et la souveraineté des entreprises multinationales dans un monde globalisé. La troisième, sur les dynamiques de collaboration à l'intérieur même des entreprises dites-décentralisées et les difficultés qu'elles rencontrent.
Nous parlerons également des acteurs publics territoriaux : comment peuvent-ils faciliter des gouvernances plus horizontales, mêlant des parties prenantes multiples ? Nous parlerons des initiatives en faveur de la transition écologique et sociale et des institutions facilitant l'émergence de démocraties climatiques locales avec Democratic Society. Nous explorerons également des systèmes alimentaires locaux et résilients avec Crisalim, Fab City Grand Paris et le collectif TAMA. Une exposition Parcours Apprenants et Communs de la Transition Territoriale – PACT2 - sera aussi proposée pour mieux comprendre les coulisses des territoires pionniers de la transition écologique dans trois villes françaises : Ungersheim, Mouans Sartoux et Grande Synthe. Il sera enfin question de la façon dont sont conçues les politiques publiques et de leur nécessaire prise en compte de ce qui relève de l'intime et des facteurs psycho-sociaux.
Pour finir, il sera question de la place des citoyens en politique : quel rôle doivent-ils assumer ? Flore Vasseur, réalisatrice du documentaire Bigger Than Us, nous parlera de ces jeunes qui s'engagent, partout dans le monde. Cette intervention sera suivie par une conférence qui questionnera les différentes formes de militantisme en 2021. Plus tôt dans la journée, les Investies faciliteront une discussion sur comment faciliter l'accession à la politique par une nouvelle génération d'élues. La Compagnie Générale des Autres et Ouishare proposeront un apéro-débat sur la place de la solidarité dans notre société. Enfin, Ghett'up animera un atelier “Networking” pour permettre à des jeunes des quartiers d'échanger avec des décideurs, entrepreneurs, penseurs et artistes qu'ils n'auraient jamais croisés autrement - et donc de prendre la place qui est la leur dans la cité.
La place des citoyens sera également abordée à travers la question des choix numériques et technologiques : comment les rendre plus démocratiques ? Quelle place pour le citoyen dans le partage de ses données ? Ces discussions seront proposées par Ouishare et Ideas for Change. Nous aurons également l’honneur d’échanger avec Bianca Wylie. Elle nous expliquera comment elle s'est opposée au projet de quartier connecté porté par Google dans sa ville, Toronto, en faisant valoir la voix des citoyens.
En complément, un atelier de Collective Presencing et un atelier de jardinage nous permettront de sentir dans nos corps nos agencements collectifs et nos milieux de vie – et donc nous permettront d'apprendre à mieux collaborer ensemble.
Comment agir pour le temps long ?
Vendredi 25 juin, après avoir questionné comment s'orienter et s'organiser pour le temps long, nous nous demanderons comment agir, au présent, en ne faisant pas du court terme notre unique boussole. Pour cela, nous devons sortir d’une vision dualiste qui place l’Humain et la Raison au centre pour nous reconnecter à nous-mêmes, aux autres et au monde.
Nous nous demanderons pour commencer comment nous relier au monde qui nous entoure et dépasser la grande division “Nature” et “Culture”. Avec Hervé Brugnot, nous voyagerons à travers différentes cultures et leur conception du temps : temps circulaire, temps cyclique, non temps, multi-temps, etc. Nous pourrons alors questionner notre « gestion » du temps - et donc notre rapport au monde. Nous explorerons également des initiatives en faveur d’une comptabilité écologique, c'est-à-dire replaçant les activités économiques dans le contexte des milieux humains et naturels dans lesquels elles interviennent. Une déambulation proposée par le collectif Tama permettra aussi de se mettre dans la peau d'animaux, pour mieux se relier aux vivants.
Ensuite, nous nous demanderons comment nous relier aux autres et à nous-mêmes. Une table-ronde abordera la question de la polarisation politique, culturelle et identitaire, et des façons de la dépasser lorsque l'on est activiste. Une restitution des Entretiens Préparatoires au Nouveau Monde industriel avec l'IRI, l'AAGT et Ouishare posera la question suivante : à quoi pourrait ressembler une société intermittente? Une discussion sur l'intersectionnalité permettra également de dévoiler les logiques de genre dans la prise de parole. Un atelier pour reprendre le contrôle de son corps et de ses sens, ainsi qu'un atelier de Social Presencing Theater seront aussi proposés, ainsi qu'une expérience sensible Sens'art « Il était maintenant ».
Pour finir, nous tenterons de comprendre, interpréter et travailler sur l’ensemble des médiums qui nous relient au monde, et qui donc en façonnent notre perception. Il s'agit aussi bien des récits et de imaginaires, auxquels nous consacrerons plusieurs interventions, qu'à notre rapport à l'argent que nous traiterons dans un Money Game. Il s'agit en outre des médias, qui feront l’objet d'une table-ronde avec notamment Yves Citton et Julia Cagé. Enfin, nous traiterons longuement de notre rapport aux outils et pratiques numériques qui façonnent notre appréhension du monde. Le Collectif Hérétique proposera de concevoir des applications numériques pour nous faire prendre du temps plutôt que d'en gagner. Le Collectif BAM proposera de construire des outils numériques plus durables. La FING se demandera quels outils numériques peuvent nous aider à traverser des crises. Enfin, une classe de sixième du collège Poincaré de la Courneuve, en partenariat avec l'IRI, nous montrera comment développer des savoirs urbains par l’intermédiaire d'un jeu vidéo. Françoise Mercadal, présidente du CNNum, livrera pour finir son rapport d'étonnement sur l'ensemble des questions numériques que nous aurons traitées lors de cette journée.
Vous l'aurez compris, le programme est dense. Alors... on se voit au Fest ?